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symposium00
30 octobre 2009

Interview Paul Ardenne

Interview Paul Ardenne

 

« La fabrique du consentement »

 

Entretien avec Paul Ardenne 

 Lundi 11 mai 2009

 

 

 

 

 

 

 

 

Symposium.00 : On aurait aimé revenir avec vous sur ce qu’il s’est dit ce matin au colloque, notamment ce que vous avez énoncé au sujet des problèmes créés autour de l’art participatif… Ce sont des recherches que l’on partage pour notre part, puisque nous nous intéressons beaucoup en ce moment aux relations qui existent entre l’art et la (sur)vie, « survie » écrit avec le préfixe « sur » entre parenthèse. Dans ce cadre, on a pu discuter encore récemment avec Jean-Baptiste Farkas, c’est quelqu’un que vous connaissez, qui est venu ici à plusieurs reprises, et on aimerait s’entretenir avec vous du type de pratique qu’ont Farkas ou Tadashi Kawamata. Parce qu’il est possible de faire le lien, dans une certaine mesure, entre ces deux pratiques « participatives » qui poussent l’art dans ses « limites » entre guillemets, en sachant que la notion de « limite » a déjà connu son âge d’or dans les années 1960-70…

 

Paul Ardenne : Je dirais que ces pratiques d’aujourd’hui n’ont rien d’innovantes, que ce soient celles de Jean-Baptiste Farkas, que j’apprécie, ou celles de Tadashi Kawamata, qui pour moi n’ont plus grand intérêt, j’expliquerai pourquoi… C’est mon point de vue, je signe… 

Le travail de Kawamata, c’est sorti de l’industrie culturelle et de pas grand chose d’autre. C’est un travail que je connais bien, j’ai suivi ça depuis longtemps, depuis un peu plus de vingt-deux ans, puisque je disais hier soir à Kawamata que la première œuvre que j’ai vue de lui in situ était à la Documenta de Kassel en 1987. C’était une église détruite, ça s’appelait « The destroyed church » et c’était dans Kassel : une ruine d’église avec cette espèce d’échafaudage un peu improbable… J’ai vu beaucoup d’autres travaux de lui, c’est pour ça que j’en parle un peu en connaissance de cause, surtout en connaissance du contexte.

Le travail de Farkas, c’est peut-être plus intéressant, parce que c’est quelqu’un… Bon, il faut quand même expliquer ce qu’il a fait : il a allié sa pratique de mise en relation directe avec le spectateur avec quelque chose qui est l’économie, l’économie des services de la société tertiaire. Et de ce point de vue là, on est tout à fait en phase avec la société contemporaine, où on voit bien que tous les champs de la production de base sont laissés le plus souvent aux pays du tiers monde et tout ce qui est de l’ordre des services, de la conception est monopolisé par les Etats du Nord ou entre guillemets les Etats les plus « développés » de la planète. Et donc, l’économie de service est devenue l’économie qui qualifie le degré de développement d’une société en l’occurrence. 

En conséquence, il est certain que travailler dans le domaine de l’économie des services comme Farkas le fait, mettre en spectacle cette économie-là en travaillant comme un entrepreneur authentique qui plus est, avec des contrats, en se faisant payer pour des trucs absurdes et complètement à contre-courant, mais qui relèvent quand même d’une demande, puisqu’il y a des gens qui lui demandent de faire pour eux ces choses absurdes. 

Pour toutes ces raisons, je trouve que le travail de Farkas est beaucoup plus de l’ordre de la contemporanéité, alors que le travail de Kawamata, et je pourrais m’expliquer là-dessus, est beaucoup plus de l’ordre de l’industrie culturelle et de ce que j’ai appelé l’économie du divertissement public. Je ne fais pas de grandes différences entre le travail de Kawamata et le fait que les gens allaient à la procession au Moyen-Age…

Il faut être bien clair : je pense que Kawamata, c’était intéressant dans les années 1980, quand il exposait ses tonnes de bois sans qu’on sache ce que c’était. D’ailleurs, les gens du service de la voierie ramassaient ça en croyant que c’était des ordures. Mais à partir du moment où il a commencé à répondre à des commandes, c’est vrai que… un temps, c’est crédible et intéressant,  parce qu’il y avait un effet de surprise, on se demandait ce que c’était… Par exemple, entre deux immeubles, vous aviez un échafaudage… Mais quand on a compris ce que c’était, quand on a compris comment c’était fait, quand on a compris que c’était commandité et qu’il en faisait d’un bout à l’autre de la planète, et surtout quand on a compris qu’il n’y avait vraiment plus d’enjeu ni esthétique, ni poétique, ni plastique, finalement, j’ai envie de dire qu’on s’en fout, en tout cas, personnellement, ça ne m’intéresse plus. Je considère ces œuvres d’art intégrées dans l’économie des services esthétiques que tous les Etats se sentent obligés de servir aujourd’hui parce qu’ils ont des missions culturelles : la France aujourd’hui a une mission culturelle, l’Angleterre, les Etats-Unis ont une mission culturelle, et caetera.

Pour moi, c’est la grande différence entre Kawamata et Buren, même si ça peut se ressembler a priori : c’est que chez Buren il y a toujours un acte poétique, c’est ce qu’il a bien fait comprendre et c’est un peu sa subtilité, ou sa ruse, je ne sais pas… c’est de dire qu’il fait un travail de peinture, il ramène toujours ça à la peinture, et de dire : « Je constitue une peinture qui, au lieu d’être dans un musée, est dehors, mais elle peut aussi bien être dans un musée ». D’ailleurs, il a travaillé dans les musées à commencer par Beaubourg, le Musée d’Art contemporain de Lyon… 

Mais chez Buren, il y a toujours une aventure poétique et je crois qu’elle n’existe plus chez Kawamata cette aventure-là. 

Kawamata, c’est une espèce de standard « beau bois » avec un agencement aléatoire, et qui m’intéresserait si, par exemple, cet artiste-là décidait de faire un véritable agencement orthogonale, de dire « maintenant, je vais amener une construction totalement géométrique, totalement structurée », au lieu de continuer encore cette espèce de discours qu’il a porté à ses débuts : le discours du chaos, de l’accident, de l’imprévisible, du désorganisé dans l’organisation, alors qu’aujourd’hui tout ça fait absolument partie de l’économie et de l’offre culturelle. 

Donc, je n’ai pas beaucoup d’affection pour cet artiste-là et, je vous dis franchement, à mesure que le temps passe, j’en ai de moins en moins. Pour moi, c’est un faiseur ! Il fait partie de la catégorie de ces artistes qui fondamentalement ne font plus rien et qui se laissent inviter. Ils ont des programmes des années et des années à l’avance. Si vous lui demandiez, je suis sûr qu’il vous dirait qu’il est pris jusqu’en 2013 ! Je considère que ça aurait été beaucoup plus intéressant si, à la limite, il envoyait des plans, comme les artistes conceptuels faisaient dans les années 60, et puis que les gens le fassent eux-mêmes sans qu’il se déplace. Ce n’est pas ce que j’ai vu hier qui m’a rassuré : je suis allé voir le tas de palettes dans le parc de Saint-Leu, je ne peux pas dire que j’ai été rassuré par ce type d’œuvre, même si pour les étudiants qui font ça, c’est une aventure intéressante, parce que c’est avec un artiste qui remue des trucs et qu’il y a un côté symboliquement fort dans l’accomplissement de soi, et caetera, mais ce n’est pas pour autant que ce qu’il reste de cette œuvre-là a un quelconque intérêt.

Pour revenir à la question, les procédures participatives aujourd’hui, ou pseudo-participatives… ces procédures-là sont pour moi très très peu intéressantes par rapport à celles des années 1960-70, qui avaient évidemment pour première et éminente qualité, d’emblée, d’être expérimentale, c’est-à-dire que les artistes se retrouvaient, comme Buren l’a très bien dit ce matin, mais pour la première fois, ils se retrouvaient dans la rue en se disant « bon, là, qu’est-ce que je fais ?… », au point où Buren, par exemple, ne savait pas s’il fallait coller ses affiches de jour ou de nuit, et ignoraient totalement quelles seraient les réactions des gens. 

Aujourd’hui, les gens ne réagissent plus du tout. Maintenant, ça fait un spectacle, ça occupe, on est rentré dans une logique d’occupation, d’occupation du temps, du temps libre et puis de réponse impérative aux besoins plus supposés que réels du consommateur culturel d’aujourd’hui. En sachant qu’on a posé comme principe que les gens auraient besoin de distraction artistique… Il fallait qu’il y ait des volets art public, par dénomination art de rue, théâtre de rue, qui, pour moi, en général, ne sont jamais nécessaire et qui sont des besoins qui résument un fantasme de stratégies qui sont des stratégies du pouvoir. 

Personnellement, je n’ai pas besoin de tout ça, je n’ai jamais eu besoin qu’on me montre le géant Royal Deluxe de Mac Do ! Bon, c’est bien, c’est sympa, mais moi j’ai autre chose à faire et ça ne me retiendra pas. Et si ça me retient, je commence à me poser des questions et je me dis « Ouh là ! Qu’est-ce que tu fous là ? Est-ce que ce ne serait pas une manière de combler le vide ? Est-ce que tu n’es pas complètement instrumentalisé par cette espèce d’objet qu’on nous met là ? » Et pendant ce temps-là, voilà, les artistes sont sympas, c’est bien, les artistes sont formidables et moi je cesse d’exister.

 

S.0 : Et vous avez besoin de quoi ?

 

PA : Moi, j’ai besoin de vivre ma vie, comme toi de vivre la tienne et je n’ai pas besoin qu’on mette quoi que ce soit entre le monde et moi, en disant « allez ! faut y aller parce que là, il y a un truc d’art public, c’est vachement bien, c’est intéressant, tu vas voir : tu vas y participer, les artistes vont te faire faire… il y en a un qui va te faire tenir sur la tête dans la pose du poirier… l’autre il va te faire tirer un jeu de fléchettes… il y en a un qui te demandera de déplacer une palette… c’est sympa, tu sentiras que tu participes à la création de l’œuvre d’art, tu te diras, comme Joseph Beuys, “tout le monde est un artiste ! je suis un artiste !” »… Bon, moi, je n’ai pas besoin de ça. Il y a peut-être des gens qui ont besoin de ça, et je crains qu’il y ait de plus en plus de gens qui aient besoin de ça, parce qu’on crée de plus en plus ce besoin, où on fait croire que c’est nécessaire et ça devient naturel. 

Vous savez qu’on a toujours posé comme principe qu’il était naturel, même salutaire, d’aller au musée, d’où une économie culturelle, une mission culturelle de la part des gens qui gèrent les musées... Mais on a posé comme plus naturel encore le fait de ne jamais contester une opération d’art public, en disant « c’est bien parce que c’est dans la rue, les gens sont là, on s’installe où sont les gens, on va vers le plus grand nombre », comme disait notre ami Pedro Garcia [le directeur artistique du festival Chalon dans la rue et de L’Abattoir]. C’est pas pour être gentil ou méchant, il fait ce qu’il a à faire, il prend ses responsabilités et donc ça le regarde lui, et moi ça me regarde en tant qu’usager de l’espace public. Et il disait ce matin qu’il continue à penser qu’il faut que ça aille vers le plus grand nombre de gens possible. Et donc, où est-ce que je vais ? Eh bien, je vais dans la rue plutôt que d’aller dans un théâtre. Mais la seule chose qui me gêne, c’est que si j’ai envie de traverser Chalon et que je vois ça, si je suis chalonnais… je me dis « mais, attendez, je n’en ai rien à foutre de cette opération-là, pilotée par une mairie ou le Ministère de la culture… je ne me sens pas concerné du tout ». 

Cependant, il y a quand même un consensus qui veut que, si c’est dans l’espace public, c’est forcément bien, puisque ça travaille notre rapport à la « relation », ça crée du « lien social » comme disent certains : les gens se sentent moins seuls… l’artiste se sent mieux… puisqu’il se sent cette espèce de « sublimateur » de service, mais qui, cette fois, voit son rôle modifié en celui d’un rédempteur social, celui qui vient sauver la société : une espèce de Superman des questions artistiques ! 

Je trouve ça totalement dangereux, pervers, et je trouve que ces dernières années, ça a pris des proportions excessives ou colossales : les festivals d’art public, les trucs d’art de rue… Après, qu’on dise « gratuité », j’en ai marre : il n’y a rien de gratuit, il y a quelqu’un qui paye. Quand c’est l’Etat, ça me gêne moins que quand ce sont des entreprises privées. Je n’ai rien contre l’entreprise privée et évidemment il en faut. Et on se rend bien compte aujourd’hui qu’il en faudra encore plus, mais toute entreprise d’une certaine manière fait sa promotion, l’Etat faisant la sienne aussi quand il y a une manifestation de rue : il y a toujours de marquer « avec le soutien de la municipalité machin, le Ministère de la culture », et toute la liste, et caetera. Pourquoi pas ? Mais c’est ce qui peut être analysé comme propagande… 

Moi, si vous voulez, si vous me posez la question… je ne sais pas ce que vous voulez m’entendre dire, mais ce que je peux vous dire, c’est que j’ai mis, comme tout à chacun, des années à grandir. J’ai mis des années à être adulte et j’ai longtemps cru que pour être adulte, pour être finalement quelqu’un qui avait fini sa croissance mentale, psychique, culturelle, il fallait que les choses que je fasse soit en état de connexion avec le monde, donc avec les autres, et caetera. Et puis, à un moment donné, je me suis rendu compte que tout ça, et ce n’est pas du tout négatif, tout ça est quand même réglé par un principe d’instrumentalisation réciproque, c’est-à-dire que quand quelqu’un veut que tu fasses quelque chose, c’est que d’une certaine manière ça lui est utile et inversement. 

Alors, évidemment, tu peux parler comme notre ami Pascal Le Brun-Cordier, et ressortir les grands mots des années 1960 : l’ « Eros », l’ « érotique sociale », le « lien social »… Oui, bien sûr, mais vous pouvez aussi bien vous dire que finalement, je n’ai pas besoin de ça pour exister, je peux exister autrement et surtout je peux choisir. Et ce que j’ai toujours préféré à la limite dans le musée par rapport aux propositions d’art public, c’est que le musée, personne ne veut plus y aller, alors que si je passe à un endroit où il y a de l’art public, je suis littéralement capté et je ne peux pas y échapper. 

Pour moi, c’est la différence qu’il y a entre l’art et l’architecture, parce que je m’occupe aussi beaucoup d’architecture. Vous voyez : un artiste fait une œuvre, il la rend publique dans un FRAC, un centre d’art, un musée ou même dans la rue, et si je ne passe pas par là ou que je ne vais pas au musée, je ne la vois pas, je ne suis pas concerné par ça et je ne me sens pas a priori obliger d’être concerné. Peut-être que c’est dommage que je ne la vois pas, mais bon ! Tandis que si on construit un bâtiment comme une école des Beaux-Arts, et même si ça ne vous plaît pas, elle est là pour cent ans ou pour cent cinquante ans et vous vous dites « mais attendez, on ne m’a pas demandé mon avis et ce gros machin-là, il s’est emparé de l’espace public ! ».

Bon voilà, vous voyez la différence entre les deux, c’est-à-dire que j’aime bien qu’on puisse constater que l’individu a une démarche citoyenne libre. On parle du citoyen, du concitoyen… le blabla des discours républicains qui est celui des agents culturels… Comment voulez-vous qu’ils en aient un autre ? Ils ne vont pas vous dire « nous, on fait une programmation contre les gens, les gens on les emmerde, on leur met profond comme ça dedans [doigt d’honneur long, épais et menaçant], tout ce qu’on va vous montrer, ça ne vous intéresse pas et ça n’a aucune importance… » Ils ne peuvent pas dire ça, pourtant je préférerais qu’ils disent ça, plutôt que d’entendre ce que j’ai entendu ce matin. Et j’entendais aussi la personne qui s’occupe de la Maison des Arts de Créteil l’autre jour à Paris, et les gens qui écoutent ça ont les larmes aux yeux… On a ouvert un espace slam… Alors tous les mecs de la cité d’à côté, ils viennent, ils font leur slam, c’est formidable, ils sont tous là… Et je me dis « putain, j’aurais préféré qu’ils fassent leur slam chez eux entre eux et qu’ils créent l’espace eux-mêmes, plutôt que de venir là où ils sont quand même en représentation dans des lieux institutionnels… » Vous voyez ce que je veux dire… 

Donc, je pense que le système serait moins pervers ou moins sujet à caution, si on laissait les gens décider de l’endroit culturel où ils ont envie d’aller. Mais derrière ça, il y a toute la question qui a été posée par Malraux, c’était : qu’est-ce qu’on fait quand on a des pans entiers de la société où la culture n’infuse pas ? Eh bien, la réponse elle a été donnée par Malraux à la Maison de la culture, c’est : on va porter la culture là où il y a ces gens qu'on considère acculturé. Et ça, c’est un truc extrêmement problématique. Evidemment, ça a de très bons points, parce que quand c’est toute l’entreprise du Théâtre National Populaire de Jean Vilar, tout le travail d’Antoine Vitez, les Maisons de la culture, les Maisons Pour Tous… c’est un très bon travail parce qu’on amène, suite à un débit de subventions, des œuvres d’art, des pièces de théâtre, du cinéma, des expositions, sans que les gens aient à payer grand-chose. Donc ils peuvent y avoir accès, donc c’est le bon côté. 

Mais on ne peut pas en même temps ne pas imposer une espèce de culture officielle, serait-elle la culture officielle de l’âge démocratique. Vous voyez : une culture imposée qui produit quand même de l’officialité et de la contrainte, pas de la même façon que les dictatures bien évidemment, mais qui, d’une manière plus supportable, en produit quand même. 

 

S.0 : Alors qu’est-ce qu’elle peut devenir aujourd’hui cette vieille utopie des années 1960-70 de mêler l’art et la vie ?

 

PA : Je dis c’est même pas…

 

S.0 : Est-ce que c’est une vraie problématique ?

 

PA : Non, ce n’est pas une problématique. Les gens disaient « il faut mélanger l’art et la vie ! » Ils ne se rendaient pas compte à quel point eux-mêmes avaient mélangé leur vie dans l’art. Leur vie s’était dissolue dans l’art. Je pense à des gens comme le mouvement Fluxus, qui est très important après 1961. Je pense à des acteurs qui faisaient parties de Fluxus, qui ont après travaillé isolément : je pense à Robert Filliou par exemple. Je pense à Diter Roth en Allemagne, à Nam June Paik à un moment, à Charles Norman, à un très grand nombre de gens comme ça : Georges Macciunas, Daniel Spoerri, il y en a un très grand nombre. Mais ces artistes, ils avaient déjà mis l’art dans la vie. Leur vie était l’art et tout ce qu’ils faisaient était de l’art. 

Bon, ils marchaient dans la rue par exemple : Nam June Paik avait les « Flux Tour » à New York : il prenait une casquette, il mettait « Flux Tour » dessus, et puis le type, il se baladait… on lui demandait « mais qu’est-ce que vous foutez ? »… il répondait « bah, on fait une œuvre d’art : c’est un “Flux Tour”, voilà ! »… « mais… vous marchez ? »… « oui, on marche, mais on va appeler ça une œuvre d’art ! » Puis, on tire la chasse d’eau, concert de chasse d’eau : c’est de la musique La Monte Young. 

Vous voyez, pour moi, c’est pas une problématique. Si vous êtes artiste, créateur, vous écrivez, et caetera : votre vie entière se confond avec votre projet créatif, il n’y a pas de distinction. Vous vous endormez en pensant à ce que vous allez faire, vous regardez un truc en pensant à ce que vous voulez faire. Vous êtes constamment dans cette position-là, vous voyez ce que je veux dire ? 

 

S.0 : Est-ce que le problème n’est pas qu’il a été fait une sorte de double de ce discours, qui a fini par être instrumentalisé ?...

 

PA : Non, c’est-à-dire… Le fait de mélanger l’art et la vie, ça a été une utopie surtout pour les gens qui ne voyaient pas que l’art en eux-mêmes était la vie, et qui se disaient « ce qu’il faut, c’est faire en sorte que l’art soit partout dans le quotidien, dans le réel ». D’où les actions de rue, d’où l’intention, le désir que le spectateur devienne un acteur. Bon, mais ça, c’est vraiment les années 1960, c’était les groupes comme le groupe Untel par exemple, ou le Groupe de Recherche en Art Visuel, qui vont commencer à demander aux gens de faire des choses, de faire des choses... 

 

S.0 : Mais ces choses-là, ça ne pouvait se faire qu’une fois... Aujourd’hui justement, quand des artistes comme Farkas ou comme Kawamata, qui revendiquent encore cette notion d’ « expérience »… par laquelle « on va essayer de se modifier soi-même à travers une situation qu’on va vivre… » : c’est la définition de Michel Foucault donnée dans les années 1960 ! Et on est encore dans cette vieille histoire…

 

PA : …Oui ! 

 

S.0 : …Où on se dit, voilà : « Je vais essayer de créer des choses, de les mettre en relation avec l’autre »…

 

PA : Je crois qu’on est encore dans cette histoire, encore dans cette illusion, par manque de culture, parce que les gens ne veulent pas voir ce qui s’est passé avant, parce que tout le monde leur dit « bravo ! », parce que dès qu’un artiste travaille dans la rue, tout le monde trouve ça bien, « c’est génial ! il est allé dans un quartier, il entraîne les gens à faire ça… ». En général, ce sont des quartiers stigmatisés, ce sont des quartiers isolés, donc le « lien social », et caetera. Mais pourquoi pas ? 

Je pense que, quand même, je ne vais pas défendre Farkas, mais ce qu’il y a d’intéressant chez lui, c’est qu’il ne fait pas que ça. C’est-à-dire qu’il y a vraiment une histoire de contrat et la personne doit y abandonner quelque chose, parce que souvent dans ces procédures d’art participatif, le côté le plus lamentable, c’est que l’artiste donne, mais la personne en face ne donne rien. On voit que tout ça est constitué souvent d’une manière d’ailleurs préconçue autour de l’idée que l’artiste est celui qui donne. L’artiste, c’est la générosité, l’artiste, c’est celui qui partage. C’est le bon samaritain, c’est l’homme bon, c’est le missionnaire, c’est l'apôtre. 

Bon... peut-être, c’est peut-être ça, mais c’est peut-être tout autre chose. L’artiste, c’est celui qui, le plus souvent, ne donne rien, il prend tout. Or, on a posé le postulat que l’art, le « bon art », c’était l'art de l'échange. On lit ça chez Jacques Rancière, c’est-à-dire la fameuse théorie de la communauté, de la « communauté émancipée », du « partage du sensible ». 

Selon moi, certains artistes, oui, traitent de cette question, mais on aurait eu tort de considérer que c’était la bonne direction. Il y a un tas d'autres artistes qui n’en ont strictement rien à faire de la question de l’autre, sauf que l’autre mit en face de leur œuvre leur dit « c’est vachement bien ce que tu fais, j’aime beaucoup ce que tu fais » : bonne chose du point de vue narcissique. 

Mais le don, le don de l’artiste est pour moi très dangereux lorsqu’il n'appelle pas, lorsqu’il n’exige pas un contre-don. S’il n'exige pas un contre-don, je me méfie. Je me méfie parce que c’est trop facile. C’est comme le mec qui distribue des billets de banque devant tout le monde à New York, qui au lieu de placer de l’argent à la Bourse, préfère le donner à des SDF. Ce mec-là, tout le monde l’aime, tout le monde le recherche, c’est pas dur à comprendre. Il y a un manque matériel ici, symbolique ailleurs : quelqu’un arrive, vous donne des choses, vous donne du spectacle, vous donne de l’animation, vous sort un peu de votre torpeur... Bon, mais quand il n’y a pas de contre-don, ça ne m’intéresse pas. 

Ce qui m’intéresse chez quelqu’un comme Farkas, c’est qu’il y a un contre-don. C’est-à-dire qu’il propose quelque chose, mais que si vous voulez qu’il le fasse, il faut payer. Il faut payer, c’est pas généreux du tout. Si tu veux faire une réduction d’espace chez toi, si tu veux faire un truc, tu dois payer. Il y a un contrat : tu dois payer ! Le payer de ta poche ! Et là, évidemment les gens... 

 

S.0 : A partir du moment où il faut payer de soi…

 

PA : Il faut payer, donner quelque chose de soi ! Il y a là un exemple qui est intéressant. 

 

S.0 : Est-ce que finalement ces expériences-là ne restent pas un jeu ?

 

PA : Alors… si c’est un jeu pour toi, artiste, c’est bien. Mais... Très bien, même si c’est pas perçu comme un jeu par les autres, ça n’a pas d'importance à la limite, c’est ton problème. Et le leur... pas le mien. Donc, tu fais ce que t’as à faire. L’artiste fait ce qu’il a à faire, quel qu’il soit. 

Bon, j’espère qu’il fait ce qu'il a à faire [rires]. Je suis même pas sûr que la plupart des artistes font ce qu’ils ont à faire. Je crois qu’ils font surtout ce que d’autres attendent d’eux, ce qui est un peu différent. On parlait des auto-censures ce matin. Je veux dire par là quand même que, si c’est un jeu et que ce n’est pas un jeu pour l’autre, je pense qu’il y a une distension du lien, quelque chose qui ne va pas…  On a un acteur d’un côté, l’artiste, et un récepteur de l’autre, dont on veut qu’il soit plus ou moins acteur, le public, l’auditoire. Avec une œuvre, dont il est bien compris que c’est une œuvre contextuelle, c’est-à-dire qu’elle traverse l’un et l’autre, l’artiste et le spectateur, et puis qu’elle doit animer quelque chose directement. C’est pas comme un tableau qui est posé dans un musée : dans un musée, l’artiste n’est pas là, il est peut-être même mort et les gens qui défilent, ça leur fait quelque chose ou pas, c’est plus le problème de l’artiste, il a fait ce qu’il avait à faire. Bon, Renoir a fait son Déjeuner des canotiers, que les gens aiment ça ou n’aiment pas ça, qu’ils le voient ou ne le voient pas, c’est pas son problème, il est plus là de toute façon pour en juger. 

Mais quand il y a des œuvres qui sont des œuvres qui se configurent à partir d'un principe de lien, de liaison, quelles que soient les raisons : le jeu, le désir de rédemption, d’aide sociale, et caetera, quant à ça, il faut toujours regarder dans quelle position est mis autrui. 

Il y a eu quelque chose qui est intéressant et qui permettrait de bien penser ça. C’était cette œuvre que Thomas Hirschhorn a réalisée en 2004 à Aubervilliers. Donc, il a fait construire avec beaucoup d’argent un musée, qu’il a appelé le Musée Précaire Albinet, qui est une œuvre qui a donné lieu à beaucoup de commentaires. Je l’ai beaucoup analysée et je ne suis pas le seul. Mais qu’est-ce que c’était que cette œuvre-là ? Vous aviez un périmètre d’Aubervilliers très défavorisé socialement : la rue Albinet, où vivait une communauté d’Africains, la plupart au chômage, avec des conditions de vie vraiment difficiles, des bâtiments HLM qui étaient presque des dépotoirs... C’était laissé un peu comme ça, à l’abandon. 

Et donc Hirschhorn est arrivé, il a fait construire un espace cheap en apparence : carton, bois. Il a fait concourir le centre Georges Pompidou pour que celui-ci prête des œuvres d’arts de la modernité, qui étaient présentées un certain temps, et commentées et gardiennées par les gens du quartier. Il y avait Le Corbusier, Malévitch, il y avait une œuvre de Warhol, une de Beuys. Alors, tout ça c’était très bien, les gens se sont investis, parce que c’est un lieu où il n’y a rien, où il ne se passe rien d’habitude. Donc, c’était de l'animation, les gens étaient là, discutaient, c’était plus ou moins formidable. 

Quel est le problème ? C’est que lorsque vous voyez l’analyse officielle de cette proposition « relationnelle » ou « participative » entre guillemets : c’est tout bon, on va vous dire : « C’est excellent, c’est très bien, parce que ça va vers autrui et pas n’importe qui, ça va vers celui qui est défavorisé. C’est un apport de culture, on apporte une vision pédagogique ! Surtout, il y a une demande de responsabilité, c’est autrui qui garde les lieux, qui se fait le gardien d’une culture qui, jusqu’à présent, n’était pas la sienne et devient la sienne ! » Il y a un film qui est fait là-dessus, financé par le Ministère de la culture, et caetera. Bon boulot : alors c’est formidable, tous les mecs montent le truc, ils aident, ils mettent du scotch, il y a toujours une musique entraînante et il y a toujours le vieux pépé du coin à moitié aveugle, le marabout qui arrive « ah ! c’est formidable ! c’est génial ce que vous faites ! c’est la fraternité ! » Il y a les mamans avec les boubous, les bébés dans le dos... On est dans le ridicule œcuménique le plus total ! C’est-à-dire on nous prend pour... Il y a toujours une musique, vous voyez, comme ça [claquements de doigts en rythme]…

Ça, c’est la version officielle. Après, vous regardez derrière l’officialité, vous voyez quoi ? Ce truc-là a coûté la peau du cul. Pourquoi ? Parce que le bois, c’est du bois ignifugé, le carton est ignifugé, donc ça coûte plus cher que le carton normal. Le scotch est un scotch spécial. Et pour que ça tienne, il faut que plusieurs commissions de sécurité viennent… 

Vous auriez mis un local préfabriqué, ça aurait coûté dix fois moins cher. Mais bien sûr, ça n’aurait pas eu ce côté pauvre qui vous dit : « Je n’ai pas les moyens, je suis un pauvre artiste, je suis un pauvre type, donc je vais vers l’autre et surtout vers les pauvres ». Du coup, vous regardez le reste et je ne suis pas sûr que les gens aient bien compris la culture dont on leur a parlée. Bien évidemment, ils n’ont pas eu particulièrement le droit de toucher à ça de près. Ils n’ont pas vraiment eu le droit non plus de s’exprimer puisqu’on a fait venir des conférenciers officiels. 

Et surtout, ce qui n’a jamais eu lieu, c'est l'inverse ! C’est l’inverse, parce que maintenant l’opération Musée Précaire Albinet est terminée ! J’ai dit les choses suivantes : comment ça se fait que, par exemple, à Paris, mettons dans le dix-septième arrondissement, avenue Foch, on n’ait pas demandé à des gens du quartier Albinet de venir en tant qu’artistes et d’installer un pavillon sous la direction du Ministère de la culture ? Un nouveau pavillon, pour faire chic, on l’aurait fait en marbre, on est bien d'accord, puisqu’on est chez les riches. Et puis, au lieu de montrer la culture élitiste de Beaubourg, on aurait pris par exemple la culture des marabouts, des griots qui seraient venus, des types qui font du rap, vous voyez, qui nous apprennent, bah, je ne sais pas… à se faire un fix par exemple… Vous voyez ce que je veux dire ?

Bon, pourquoi on n’a pas eu l’inverse ? Eh bien, parce qu’il y a une espèce d’a priori, d’office incontestable qui pose que l’artiste doit aller dans le sens du don et ne doit pas exiger de contre-don, et que, en fin de compte, il est acteur de la réparation sociale. Et donc, dans ce sens, il est d’office béni, et son activité est bénie. 

Alors, j’ai presque envie de dire maintenant, au point où en sont arrivées les choses, au point d’hypocrisie où nous en sommes, que je m’intéresse beaucoup à ces artistes qui travaillent dans l’art public, ou pas, et qui, en dernier lieu, me rappellent qu’un artiste, c’est d’abord un individu, quelqu’un qui doit mener un projet de vie. Et puisque l’interrogation que vous me posez se range sous la bannière de la (sur)vie, eh bien un artiste, c’est quelqu’un qui est en état de survie permanente. Mais de quelle façon ? S’il arrive à créer, il survit. S’il n’y arrive pas, il se dégrade à ses propres yeux. 

Et d’une certaine manière, je ne peux pas ne pas penser que tous ces dispositifs relationnels ou pseudo-participatifs, mis à la mode par les années 1980 ou 1990, ne révèlent pas d’autre chose que d’une stratégie de l’artiste, qui constitue un court-circuit pour donner l'impression que finalement, il réalise une œuvre qui est de fait sanctifiée par la puissance publique, par autrui, parce que c’est une œuvre œcuménique, rédemptrice, et caetera, mais que dans les faits, le travail d’artiste n’est pas réalisé. 

Ce qui m’intéresse toujours chez un artiste, avant tout, c’est ce qui est son œuvre à lui. Je parlais ce matin de Gaston Chaissac, de Ferdinand Cheval, on peut parler de Van Gogh, de gens qui ont travaillé dans l’espace public. Ce qui m’intéresse d'abord, c’est de demander pourquoi ces gens font ça. Pour qui, je sais pour qui ils le font, ils le font d'abord pour eux. Ne croyez pas que Hirschhorn travaille d'abord pour les gens du Musée Précaire. Il n’en a rien à foutre des gens d’Albinet, il les a vu une fois, il ne les reverra pas. C’est comme Kawamata : qu’est-ce qu’il en a à foutre des gens d’ici ? Il a le calendrier plein pour cinq ans ! Bon, d’ailleurs, il faut qu’il fasse attention ! Il faudrait qu’il ait une carte avec des étiquettes pour qu’il n’aille deux fois au même endroit [rires]…

Mais c’est mon point de vue, il est signé.

 

S.0 : Vous pensez que l’on devrait survivre à quoi aujourd’hui ? 

 

PA : Eh bien, il faut survivre à soi-même ! De toute façon, je ne vois pas à qui on a à survivre. Qu’est-ce que t’en as à faire ? On peut crever demain ! Ça te fera de la peine si c’est des gens que tu aimes, mais du moment que tu es toujours vivant… Si t’es encore vivant, tu te diras, « bon, ça va encore cette fois », en espérant que demain ce sera encore la même chose. Non, mais c’est une plaisanterie… 

C’est Marc Robert, un grand écrivain et essayiste qui a beaucoup écrit sur Kafka, qui a parlé du journal de Franz Kafka. Kafka ne s’est pas fondamentalement posé la question de la médiatisation de son œuvre, puisqu’il a demandé à son ami Max Brod de la détruire. Et on peut penser qu’il le lui avait demandé assez sincèrement parce qu’il était psychiquement… « ailleurs ». Il était sur d’autres critères peut-être. Il n’était pas en tout cas dans un de ces dispositifs narcissiques intenses qui aurait fait que c’est par le truchement de son œuvre qu’il aurait cherché à devenir quelqu’un. 

Marc Robert disait, le premier ennemi que cerne de près Franz Kafka dans son œuvre, c’est lui-même. Et je crois que dans le fond, on reconnaît toujours un artiste authentique à la puissance de l’ennemi intérieur. Voilà, c’est ça qui me plaît, c’est l’ennemi intérieur qui me plaît. 

 

S.0 : C’est un combat contre soi-même d’une certaine façon...

 

PA : C’est pas forcément un combat, parfois ça va tout seul, ça va bien, on est en accord avec ce qu’on fait. Mais c’est cet autre intérieur avec qui on est en constant travail, c’est cette négociation avec soi-même…

Et je n’ai jamais vu les artistes participatifs qui travaillent dans un espace public comme autre chose. La seule question que je me pose toujours, c’est : à qui profite le crime ?... Enfin, il n’y a pas de crime : à qui profite l’œuvre ? En première instance, elle profite à celui qui la fait. Parce que sans ça, il crève. Vous crevez sans l’art si vous êtes artiste. Vous crevez si... Alain Séraphine par exemple [le fondateur et le directeur de l’Ecole des Beaux-Arts de la Réunion], qui n’a plus produit d’œuvre tangible depuis longtemps, n’oublie jamais de dire qu’il se considère comme un « artiste impliqué ». C’est intéressant. Je ne le conteste pas, il a le droit, aujourd’hui tout peut faire art. Si pour lui une école d’art, c’est une œuvre d’art, c’est tout à fait légitime, j’ai rien à dire. Vous voyez : un artiste ne produit plus d’œuvre tangible que l’on puisse identifier comme œuvre d’art, mais il continue à se qualifier comme artiste, cela veut quand même dire, d’une manière ou d’une autre, qu’il n’en a pas fini avec la représentation de lui-même comme artiste et que si tout d'un coup, il était convaincu qu’il en avait fini, peut-être que là il cesserait de survivre à ses propres yeux, et qu’il tomberait dans une profonde dépression, ou pire. Vous voyez ?... L’œuvre est une nécessité. 

Avant la modernité, c’est le règne des commandes, des ateliers,  des artistes artisans. On dit « on fait une crucifixion, on fait ceci... », bah ! ils y vont ! Soit ! Mais à partir du dix-neuvième siècle, on est dans un nouveau régime où l’artiste peut décider d’être un artiste ou de ne pas l’être, de faire ou de ne pas faire. De faire pour quelqu’un en particulier, qu’il soit en demande ou pas de ce qu’il pourrait faire, et là ça change tout, évidemment. Et c’est le concept de nécessité intérieure, que Kandinsky a mis en avant, qui devient pour moi un concept fondateur de la création artistique. Il n’y en a pas un autre. C’est celui-là. Voilà ! 

 

S.0 : C’est un secret de Polichinelle, une lapalissade, mais tout le monde semble avoir un peu oublié ça…

 

PA : Mais non, personne n’a oublié. Mais si vous voulez, il vaut mieux parfois que les animateurs culturels de l’espace public… Bon, je n’ai rien contre les animateurs culturels, chacun fait son métier, chacun regarde ce qu’il fait, comment il le fait, pour qui il le fait. Bon, heureusement, si d’ailleurs l’animation culturelle existe, c’est qu’elle doit exister, sinon elle n’existerait pas. C’est comme notre régime démocratique, on a besoin qu’elle existe, c’est comme ça. Après, elle peut être perfectible, perverse… tout ne peut pas forcément être mauvais là-dedans. Tout n’est évidemment pas bon non plus. 

De ce point de vue là, je n’ai rien contre les animateurs culturels, mais je regrette qu’en effet, pour des raisons tactiques ou auto-légitimées, ils oublient parfois que le premier travail de l’artiste, c’est d’abord un travail sur lui-même, indépendamment d’un travail sur l’autre. L’autre, oui, peut-être, mais parce qu’il est nécessaire au travail que l’artiste fait sur lui-même. 

D’ailleurs, tous les artistes intéressants, bien souvent, au bout d’un moment, même si on croit au pouvoir du lien qui les unit à l'autre… eh bien rapidement, on se rend compte que c’est bien plus compliqué…


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